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    Commentaire de la séquence (durée : 5mn) : Nous sommes dans un montage dialectique, c'est-à-dire quand deux éléments s'affrontent ou se répondent. Le film s'élabore en langage à partir de fragments de réalités. La lumière, l'angle, le rythme, le montage, c'est-à-dire l'art tient du discours symbolique. On a des fragments de réalité qui se succèdent pour former un tout, une idée. Ensuite vient le thème de l'homme providentiel (la séquence va au-delà du simple champ contre champ entre Lénine et le peuple). La construction du thème passe par une fragmentation du corps de Lénine. Avant d'apparaître à visage découvert, on peut lire l'attente, l'espoir, dans le regard de la foule. Tous ces éléments concourent à la mythification de Lénine. On oblige le spectateur à suivre la voie qu'a suivi l'auteur lorsqu'il construisait l'image. Ici, Eisenstein a choisi d'employer des acteurs non professionnels. Pour lui, l'acteur ne doit pas mimer ou représenter le sentiment. Le sentiment et la souffrance émanent de la force du montage. L'acteur ne fait qu'exécuter des actions, l'imagination du spectateur se charge de faire le reste. L'idéologie du cinéaste peut se lire en filigrane dans sa façon de concevoir sa propre mise en scène. On est passé d'une construction émotionnelle, tonale et harmonieuse (le montage par harmoniques) à une construction purement rythmique. Mais très vite on va revenir à une construction intellectuelle dans laquelle le cinéma se rend capable de fabriquer directement des concepts. Le projet du cinéaste ici, c'est de combiner le pouvoir conceptuel et le pouvoir émotionnel des images en mouvement et de leur montage.





     


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  • Entretien avec le cinéaste Robert Bresson (1907-1999), réalisé en 1960, pour l'émission Cinépanorama. "Un film doit être l'oeuvre d'un seul et faire pénétrer le public dans l'oeuvre d'un seul. Le cinéma doit s'exprimer non par des images, mais par des rapports d'images. De même qu'un peintre ne s'exprime pas par des couleurs mais par un rapport de couleurs." Filmographie avant 1960 : Les Anges du pêché (1944), Les Dames du Bois de Boulogne (1945), Le Journal d'un curé de campagne (1951), Un condamné à mort s'est échappé (1956), Pickpocket (1959).


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  • SERGUEI EISENSTEIN (1898-1948)


    « SUR LE MONTAGE » (1942)


    D'abord attiré par le théâtre, Eisenstein donne des spectacles fondés sur le montage des attractions niant la règle des trois unités, avant de passer au cinéma en 1924, avec <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" /><st1:PersonName ProductID="La Gr│ve. A" w:st="on">La Grève. A</st1:PersonName> 27 ans, il réalise Le Cuirassé Potemkine (1925) et repense le gros plan* (véritable synecdoque*). Il refuse les acteurs professionnels et le studio, notamment pour Octobre (1927), où il fait une démonstration du « montage intellectuel* », et pour <st1:PersonName ProductID="La Ligne" w:st="on">La Ligne</st1:PersonName> générale (1929), du « montage harmonique* ». Il réalise un monument filmique au Mexique (Que Viva Mexico, 1932), puis se mure dans son désespoir de retour en URSS. On lui confia la réalisation d'Alexandre Nevski (1938), son premier film sonore, puis de Ivan le Terrible (1945), monumentale tragédie-opéra.


    Dans ce texte " Sur le montage " écrit en 1942, Eisenstein donne, dès la première partie, sa propre définition du cinéma. La filiation avec Canudo est évidente : « Le cinéma synthétise musique et plastique ». Selon lui, le réalisateur doit maîtriser la subtilité du montage, technique qui implique les sens et l'esprit du spectateur. Mais pour savoir transmettre visuellement des intentions ou une perception, un réalisateur doit aussi savoir écrire un scénario et diriger ses acteurs. Dans la deuxième partie du texte, la plus intéressante, Eisenstein dévoile le secret de fabrication d'un film : il faut choisir un thème (exemple donné en cours : « le déluge »), puis le subdiviser en représentations. J'explique dans le cours en quoi sa méthode se raproche de celle de Léonard de Vinci (il écrivait une centaine de lignes sur un thème avant de passer à l'élaboration de son tableau). Ensuite, Eisenstein (comme De Vinci) combine toutes ces représentations, via la méthode du découpage technique, pour faire apparaître l'image fondamentale du thème. Il faut donc réorganiser ces idées, ces fragments. Au final, le montage doit concourir au réalisme. Les fragments qui constituent la séquence fournissent un tout, une synthèse du thème. Il faut donc définir dans un premier temps un thème, avec des idées, des impressions, des fragments. Le processus de création est d'organiser et de combiner ces fragments dans le but d'en faire une séquence. Une séquence pour Eisenstein : c'est une collection de plans qui forment une image. La tâche d'Eisenstein sera donc de transformer cette image du déluge en deux ou trois représentations fragmentaires (chaque idée trouve une équivalence filmique : gros plans, plan d'ensemble, mouvements, durée, etc.) : la somme ou la juxtaposition font sens auprès du spectateur qui perçoit une image synthétique finale (qui doit être celle qui hantait l'auteur au départ). Le montage est un moyen de transmission d'une intuition intérieure. Une image de départ à déconstruire (énonciation, écriture) puis à reconstruire au montage (codage). Voila comment matérialiser affectivement un thème. L'image recherchée n'est pas donnée, mais elle surgit, elle naît. Le montage est dynamique. L'image de l'auteur est finalement re-fabriquée par moi, spectateur. « Ce n'est finalement pas seulement l'œuvre de l'auteur mais mon œuvre de spectateur, de spectateur qui est aussi un créateur. » disait Eisenstein.


    Dans la dernière partie du texte, Eisenstein définit les notions esthétiques qu'il a créé : le montage polyphonique, le montage vertical, le montage par harmoniques et le montage chromophonique. Ce sont la fusion de tous les éléments sonores et visuels qui donne une harmonie et un sens à l'œuvre. La couleur doit être considérée comme un langage supplémentaire. Finalement, plus on a d'éléments qui concourent à un plus grand réalisme, plus la traduction d'une perception sera facile à mettre en place. Grâce à la couleur, le cinéma pourra réaliser le rêve de Wagner sur l'art total.


    Quelques livres sur Serguei Eisenstein : Eisenstein de Dominique Fernandez, Ed. Grasset 2004; Montage Eisenstein de Jacques Aumont, Ed. Images Modernes, 2005; Sergueï Eisenstein. Dessins secrets de Jean-Claude Marcadé, Galia Ackerman, Ed. Seuil, 1999; Eisenstein : l'ancien et le nouveau de Chateau / Jost / Lefebvre Ed. Pub, 2002; Que viva Eisenstein ! de Barthélemy Amengual Ed. L'Age d'Homme, 1990; Eisenstein : Le Mouvement de l'Art de François Albera, Naoum Kleiman, Barthélemy Amengual (Préface) Ed. Cerf, 1986

    Liens externes:

    http://www.kinoglaz.fr/serguei_eisenstein.htm

    http://www.art-russe.com/article.php3?id_article=434

    http://www.cineclubdecaen.com/realisat/eisenstein/eisenstein.htm

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